Rapport sur l’Italie et la zone euro : Jean-François Humbert « écarte une trajectoire à la grecque »

, par Laurent Nicolas, Rédaction Sénat

Rapport sur l'Italie et la zone euro : Jean-François Humbert « écarte une trajectoire à la grecque »

Après avoir étudié les cas irlandais, espagnol, portugais et grec, Jean-François Humbert (UMP, Doubs) a présenté mercredi 16 novembre à ses collègues de la commission des affaires européennes du Sénat un rapport d’information sur L’Italie et la zone euro.

Laurent Nicolas : Quelles sont les principales difficultés qui pèsent sur l’Italie aujourd’hui, dans le contexte de défiance des marchés vis à vis de sa dette souveraine ?

Jean-François Humbert : Rappelons au préalable quelques évidences. L’Italie constitue la troisième économie de la zone euro et dispose d’atouts industriels notables qui lui permettent de continuer à exporter dans des secteurs pourtant soumis à une rude concurrence. Si sa croissance peut apparaître atone depuis plus de dix ans, il ne faut pas occulter les profondes disparités économiques observables sur son territoire qui fragilise l’évolution de son produit intérieur brut.

Si nous nous intéressons de plus près à sa dette, 1911,8 milliards d’euros, soit environ 120 % de son PIB, il convient de noter qu’elle reste à l’heure actuelle soutenable. Sa maturité relativement longue, la diversification des produits qui la composent, ou le fait qu’elle soit détenue à 56 % par des résidents la préserve relativement des mouvements spéculatifs. Les hausses de taux observées sur les marchés ces derniers jours n’auront in fine d’effet qu’à trois ans. L’endettement public est par ailleurs à mettre en perspective avec celui plus faible des ménages et des entreprises. L’hypothèse d’une trajectoire à la grecque est donc à écarter.

La méfiance des marchés tient plus à l’incapacité du précédent gouvernement italien à rendre crédible la politique de rigueur qu’il met en œuvre depuis juin 2010. Il n’y a pas lieu de critiquer la maitrise des dépenses publiques opérée par le gouvernement italien, plus vertueux en la matière que le nôtre, le déficit public devrait ainsi représenter 3,9 % du PIB cette année. Des interrogations subsistent néanmoins sur la manière utilisée par les autorités italiennes, qui pratiquent une politique non ciblée de coupes budgétaires et de hausse de la pression fiscale. Par ailleurs aucune réforme structurelle d’ampleur n’a réellement été mise en œuvre.

Tout cela est susceptible de ralentir un peu plus la croissance voire de placer le pays en récession. C’est avant tout ce que les marchés et les agences de notation pointent. Ces dernières relèvent également que les dissensions observées au sein de la majorité parlementaire sont susceptibles de créer un risque réel, à terme, de dérapage budgétaire. On peut notamment penser à l’absence de consensus sur une réforme complète des retraites.

Laurent Nicolas : On sait naturellement que le départ de Silvio Berlusconi ne règle pas de facto le problème de la dette italienne : que faire désormais ? Quelles réformes sont nécessaires, prioritaires ?

Jean-François Humbert : La priorité va à l’adoption de réformes structurelles. La Banque centrale européenne avait listé celles-ci dans une lettre adressée à Silvio Berlusconi le 5 août dernier. Le gouvernement s’est engagé devant ses partenaires européens à les mener. Il s’agit de la réforme des retraites, qui bute encore à l’heure actuelle sur un écueil politique, la Ligue du Nord s’opposant à la suppression des départs avant soixante ans. Le marché du travail doit être fluidifié même si cette mesure ne rencontre pas l’adhésion de l’ensemble des partenaires sociaux, préalable indispensable à tout texte de loi. Les services publics doivent, dans le même temps, être ouverts à la concurrence : c’est le sens des mesures adoptées par le parlement italien les 11 et 12 novembre dernier. Enfin, une attention particulière devra être portée au problème de la fiscalité, le nouveau gouvernement italien doit évaluer quelles sont les mesures à mener en vue de concilier augmentation des recettes discales et relance de la croissance. Un débat doit notamment être ouvert sur la taxation du patrimoine et des mesures adaptées doivent être prises en vue de lutter contre la fraude fiscale, 125 milliards d’euros chaque année et l’économie informelle, 17 % du PIB.

Une réflexion devra également être menée avec la Commission européenne en vue d’optimiser le soutien des fonds européens, notamment dans le sud du pays, afin d’améliorer la compétitivité et la productivité de ces régions.

Laurent Nicolas : Que nous apprend la situation italienne sur la cohésion et la gouvernance de la zone euro ?

Jean-François Humbert : La crise italienne a indubitablement permis à l’Union économique et monétaire de progresser. Je suis enclin à penser que les principes adoptés par la zone euro le 26 octobre afin de renforcer la coordination budgétaire des États membres pourront lui permettre de pallier, le cas échéant, à un problème de crédibilité d’un de ses États membres. Je pense notamment au fait que les États membres qui font l’objet d’une procédure pour déficit excessif verront désormais leurs projets de budgets nationaux examinés par la Commission et le Conseil, qui rendront, à cette occasion, un avis. La Commission pourra également assurer le suivi de l’exécution du budget et proposera des modifications en cours d’exercice.

Par contre, si l’on se borne au strict aspect financier, force est de constater que le changement de rôle du Fonds européen de stabilité financière, qui pourra désormais jouer le rôle d’assureur, n’est clairement pas à la hauteur de l’enjeu. Il ne sera pas en effet de taille à affronter une éventuelle crise italienne ou espagnole. Pire, ce nouveau système de garantie suscite un certain nombre d’interrogations quant à la valeur des titres déjà émis. L’appel aux pays émergents pose également un certain nombre de problèmes quant aux conditions qui entoureraient cette intervention éventuelle. Je pense bien évidement à la Chine. Si la crise devait s’éterniser ou s’étendre, je ne vois pas comment nous pourrions une nouvelle fois écarter l’idée de conférer à la Banque centrale européenne le rôle de prêteur en dernier ressort.

En savoir plus :
 Le rapport de Jean-François Humbert, L’Italie et la zone euro.
 Tous les travaux de la commission des affaires européennes du Sénat.

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Illustration : Jean-François Humbert au Sénat - Rédaction Sénat, tous droits réservés

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