L’élaboration du CFP
Alors que nous atteignons la moitié du cadre financier pluriannuel actuel, Bruxelles franchit les premières étapes pour façonner le prochain. Le CFP est le plan budgétaire de l’UE, généralement établi sur une période de sept ans. Il fixe non seulement les plafonds d’engagement et de paiement pour différentes catégories (appelées « rubriques »), mais définit également les priorités de dépenses de l’Union sur cette période. Tous les principaux programmes et instruments de l’UE – tels que la politique agricole commune (PAC), Horizon Europe, Erasmus+, et d’autres – sont structurés au sein du CFP.
Le processus d’adoption du CFP est défini par l’article 312 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Il commence par une phase de consultations publiques, à la suite de laquelle la Commission européenne présente un projet de règlement CFP. La proposition reflète les contributions recueillies lors de la première phase et intègre les priorités politiques, économiques et sociales émergentes.
Une fois que la Commission publie son projet de règlement CFP, le Conseil de l’UE, dans sa formation « affaires générales », examine la proposition en étroite coordination avec le Conseil européen, qui définit les priorités politiques et l’orientation stratégique générale de l’Union. Sur la base de ces discussions et conclusions, le Conseil formule sa position sur le cadre proposé. En parallèle, le Parlement européen adopte sa propre position. Bien que le Parlement ne puisse pas modifier les plafonds proposés, il joue un rôle clé dans le processus en donnant ou nonson accord. Dans la pratique, cela signifie que si le Conseil – agissant à l’unanimité et en accord avec la Commission – peut modifier les plafonds financiers, le Parlement dispose effectivement d’un droit de veto sur l’adoption finale du CFP.
Bien que les négociations soient souvent complexes et puissent durer jusqu’à deux ans, toutes les institutions sont tenues de prendre les mesures nécessaires pour garantir une adoption en temps voulu. Le règlement final est adopté une fois que le Parlement donne son accordà la majorité simple, suivi de l’approbation unanime du Conseil.
Défis et tensions du CFP 2021-2027
Les négociations pour le CFP actuel ont été particulièrement compliquées. L’UE a été confrontée à de multiples perturbations : le retrait du Royaume-Uni, qui a laissé un déficit annuel de 12 milliards d’euros dans le budget, les élections européennes de 2019 et le remaniement ultérieur de la Commission, qui ont tous retardé le processus. Alors que cette dernière proposait des coupes dans les fonds de cohésion et la PAC, le Parlement a insisté sur la nécessité de maintenir les deux inchangés et d’investir davantage dans la mobilité et la recherche à travers des programmes comme Horizon Europe ou Erasmus+.
Un point de discorde majeur a été le règlement sur la conditionnalité de l’État de droit, qui subordonnait l’accès aux fonds de l’UE au respect de l’État de droit, en particulier lorsque des violations pouvaient menacer le budget de l’Union. Malgré une forte opposition et des menaces de veto de la part de la Hongrie et de la Pologne, la Cour de justice de l’UE (CJUE) a confirmé le règlement, permettant sa mise en œuvre.
Le CFP 2021-2027 a finalement été adopté fin 2020, fixant un budget de 1 074 milliards d’euros ainsi que la création de Next Generation EU (NGEU) – un instrument de relance temporaire de 750 milliards d’euros conçu pour soutenir les États membres dans la gestion de l’impact socio-économique de la pandémie de COVID-19.
Vers un CFP 2028-2034 plus flexible et stratégique
La préparation du CFP 2028-2034 est déjà en cours. Suite à la conclusion des consultations publiques, la Commission européenne devrait présenter sa proposition en juillet 2025. Selon la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, la nouvelle priorité est de se concentrer sur des objectifs communs dans les domaines où l’action au niveau de l’UE est essentielle, notamment la défense, l’élargissement, l’action climatique et la compétitivité. Afin d’y parvenir efficacement, elle plaide pour un cadre budgétaire plus simple et plus flexible, envisageant éventuellement de raccourcir la période de programmation à quatre ou cinq ans au lieu des sept traditionnels. Bruxelles envisage également un CFP davantage axé sur les politiques, avec un alignement plus fort entre les réformes au niveau de l’UE et les investissements nationaux. Parmi les idées mentionnées dans les différentes communications figurent les plans nationaux et une politique de cohésion révisée, conçue en collaboration avec les autorités nationales et locales. Quant à la PAC, la Commission a assuré qu’elle conserverait une position centrale dans le budget, mais qu’elle serait modernisée et adaptée aux défis environnementaux et sociaux actuels.
Une innovation clé influençant le prochain CFP est la boussole pour la compétitivité, un outil de suivi introduit en 2023 afin d’évaluer les performances de l’UE dans des domaines tels que l’innovation, l’investissement et l’autonomie stratégique. La dernière édition, publiée en janvier dernier, expose les priorités tirées des rapports Letta et Draghi et servira de référence pour les futures dépenses de l’UE. En parallèle, la Commission travaille sur un fonds de compétitivité, destiné à consolider et à rationaliser les programmes de financement existants sous une structure de gouvernance unique. Bien que les détails soient encore en discussion, sa création pourrait remodeler considérablement l’architecture du financement de l’UE.
Un autre élément qui façonnera le prochain budget est le remboursement de la dette du NGEU, qui devrait commencer en 2028 et être achevé sur trente ans, imposant des contraintes à long terme sur le budget de l’UE.
Le chemin de la consultation à l’adoption sera à nouveau complexe. Le Parlement européen et la Commission ont tous deux connu un renouvellement institutionnel complet en 2024, introduisant de nouvelles dynamiques et une nouvelle équipe de négociation. Dans le même temps, de nombreux États membres ont récemment été confrontés à des élections nationales turbulentes, ce qui pourrait affecter leurs positions de négociation au sein du Conseil. Comprendre le fonctionnement du processus, et les leçons tirées du dernier CFP, aide à anticiper ce qui attend le prochain cycle financier de l’UE.

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