L’espace est un enjeu majeur pour l’Union européenne, mais aussi pour ses concurrents chinois ou étasuniens. Il s’agit en fait de renforcer sa souveraineté en matière d’infrastructures et de technologie. En effet, les activités spatiales permettent à l’Union européenne de profiter d’infrastructures satellites indépendantes, de l’innovation apportée par les projets spatiaux en plus de retombées économiques conséquentes. On a ainsi souvent coutume de dire qu’un euro investi dans la politique spatiale permet entre trois et quatre euros de retombées économiques. Avec des enjeux aussi majeurs, comment l’Union européenne veut-elle se positionner pour les années à venir ?
Petit historique de la politique spatiale européenne et son bilan
L’Union européenne développe des initiatives en matière de politique spatiale depuis 50 ans maintenant. Les premières initiatives et coopérations intergouvernementales se sont produites dans les années 1960. Ces premiers projets ont amené à la création de l’agence spatiale européenne (ESA) en 1975. A partir des années 1990, l’Union renforce son intervention dans ce domaine et développe les programmes Galileo et Copernicus. L’EUMSAT (l’Organisation européenne pour l’exploitation de satellites météorologiques ) est quant à elle une organisation intergouvernementale qui a pour but de fournir des données météorologiques 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Elle est fondée en 1986. Le financement de ce secteur entre dans les négociations du cadre financier pluriannuel.
Les projets spatiaux européens représentaient en 2014 près de 50 milliards d’euros, c’est-à-dire près d’un cinquième de la valeur totale du secteur. Celui-ci, en y incluant la fabrication du matériel et les services liés, emploie plus de 230 000 personnes d’après une étude de la Commission européenne. L’agence et l’institut de recherche spatiale européenne sont situés à Paris.
Quels enjeux technologiques pour le futur ?
La politique spatiale est pour l’Union européenne un enjeux de puissance et de souveraineté. L’économie spatiale européenne occupe une part très importante sur la scène mondiale. L’Union européenne a investi sur la période budgétaire 2014 – 2020 12 milliards d’euros. L’investissement de l’Union européenne dans la politique spatiale a permis de continuer à travailler sur trois projets majeurs : Copernicus, un des systèmes d’observation terrestre le plus avancé au monde, Galileo, un projet qui permet à l’Europe de déployer son propre système mondial de navigation par satellite et enfin l’EGNOS (pour European Geostationary Navigation Overlay Service, c’est à dire Service européen de navigation par recouvrement géostationnaire) qui offre des services de navigation nécessaires à la sécurité des acteurs maritimes, terrestres et de l’aviation dans l’Union européenne.
Ces investissements ne bénéficient donc pas au seul secteur de l’aérospatial, mais aussi aux citoyennes et citoyens européens directement : services météorologiques, GPS, et de nombreuses technologies du quotidien utilisent ces infrastructures et ces ressources pour fonctionner. L’essor des nouvelles technologies du numérique va de plus en plus solliciter ces infrastructures au quotidien. De plus, le changement climatique va, là aussi, nécessiter l’usage intensif des outils spatiaux pour cartographier des espaces et rassembler des données nécessaires pour comprendre les problématiques climatiques. Les secteurs de la défense et de sécurité (voire de cybersécurité) sont également concernés par les évolutions de ce secteur.
Des discussions au plus haut niveau pour une stratégie spatiale européenne forte
Etant donné les enjeux techniques et technologiques cruciaux qu’elle implique, cette politique est actuellement et souvent discutée au plus haut niveau des institutions européennes. Le secteur est en effet bouleversé par des tendances de fond.
Les acteurs privés, à l’image de SpaceX, sont de plus en plus présents dans ce secteur. Le développement du numérique est un autre facteur de changement pour l’industrie. Les ministres en charge du dossier spatial en ont donc débattu le 20 novembre dernier. En effet, face à une concurrence mondiale amenée à se renforcer, l’Union européenne se doit de repenser sa politique et de prendre des initiatives concrètes en la matière. La prochaine stratégie pour les années 2021 – 2027 se base sur la « stratégie spatiale pour l’Europe » lancée en octobre 2016. Ses objectifs sont « d’apporter des avantages concrets aux entreprises et aux citoyens européens, de promouvoir un secteur spatial européen compétitif et innovant, d’accroître l’autonomie stratégique de l’UE et de renforcer le rôle de chef de file de l’UE sur la scène mondiale ».
Cette stratégie repose également sur la proposition législative du 6 juin 2018, qui regroupe l’ensemble des activités spatiales de l’Union européenne sous un seul programme et fournit un cadre plus efficace en ce qui concerne les investissements du secteur. Le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord sur cette stratégie le 13 mars 2019. Reste à voir le financement concret de ces objectifs et de cette stratégie, dans le prochain cadre financier pluriannuel 2021 – 2027. En 2019, la politique spatiale européenne avait obtenu un financement record de près de 14,4 milliards d’euros après une réunion des ministres à Séville. Ce budget important est nécessaire pour exister sur la scène mondiale face aux très nombreux concurrents sectoriels. Il s’agit d’un secteur à très haute valeur ajoutée qui demande de toute façon énormément de moyens pour fonctionner et développer des projets innovants.
La politique spatiale est un enjeu de souveraineté majeur pour l’Union européenne. L’Union européenne est bien une actrice de premier plan sur la scène spatiale internationale. Vectrice d’innovation, de développement économique et d’indépendance, l’économie spatiale européenne est cependant de plus en plus concurrencée par la Chine, les Etats-Unis et la célèbre NASA, mais aussi par certains pays émergents comme la Russie et l’Inde. Les Etats membres et l’Union ont fait le choix de proposer un budget record pour les prochaines années.
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