Le Royaume-Uni a décidé le 14 juillet 2020 d’exclure Huawei de son réseau 5G, après avoir annoncé l’inverse en janvier. L’équipementier chinois est un acteur historique de la téléphonie mobile et fabrique de nombreux terminaux. L’entreprise s’est d’ailleurs imposée comme un concurrent sérieux à Apple et Samsung sur le segment des Smartphones, mais est également dans la fabrication des composants des antennes du réseau mobile. L’entreprise dispose de nombreux brevets (il s’agit de l’acteur possédant le plus de brevets 5G après Samsung), d’une technologie au point et du soutien de l’état chinois. L’Union européenne souhaite développer ses capacités en matière de technologie et de numérique. Quelle est donc la situation et les décisions prises dans l’Union européenne vis-à-vis de la question de Huawei et plus généralement de la 5G ?
La 5G, des enjeux hautement géopolitiques
La question de la 5G est une question internationale et géopolitique. Il existe trois acteurs principaux qui ont les technologies pour créer le matériel nécessaire à la mise en place des fameuses antennes permettant de se connecter au réseau 5G : Nokia, entreprise finlandaise, Eriksson, une entreprise suédoise et Huawei entreprise chinoise. Samsung (entreprise coréenne) et ZTE, entreprise fondée à Shenzhen en Chine sont également deux acteurs majeurs. Mais c’est Huawei, le géant chinois, qui est au centre d’une controverse et qui suscite de la méfiance. Le président des États-Unis Donald Trump a clairement Huawei dans le viseur puisqu’après avoir interdit aux entreprises technologiques américaines de travailler avec la firme chinoise, il a sonné une nouvelle charge en accusant Huawei d’espionner pour l’État chinois les utilisateurs des antennes du constructeur en installant des backdoors permettant d’avoir accès aux données des utilisateurs.
Ces données peuvent être sensibles : brevets technologiques, rapports et décisions politiques, plans industriels sont autant d’informations sensibles qui pourraient se retrouver en possession de l’état chinois, d’après les États-Unis. Ces déclarations ont eu un effet très important sur le marché. En 2019, l’Australie a ainsi préféré sélectionner Nokia plutôt que Huawei pour ses équipements 5G. Le Royaume-Uni va exclure Huawei en retirant la possibilité pour les opérateurs de se fournir en équipements 5G Huawei dès la fin de l’année et en obligeant les opérateurs au démantèlement de leurs équipements Huawei d’ici 2027.
Quelles politiques et quelles avancées pour la 5G dans l’Union européenne ?
La Commission européenne a choisi une solution intermédiaire. Elle n’interdit pas l’entreprise chinoise sur le marché européen de la 5G, mais demande en revanche aux États membres de renforcer leurs systèmes de cybersécurité.
La décision d’utiliser ou non les équipements de Huawei revient directement aux États membres. La Commission souhaite le développement de la Certification Européenne de Sécurité sur l’ensemble du réseau 5G de l’Union. Le « plan d’action pour la 5G » présenté en 2016 se poursuit. Celui-ci fixe un calendrier commun entre États membres dont l’objectif final est le lancement commercial de la 5G en cette année 2020.
Mais les États membres hésitent eux aussi sur l’attitude à avoir vis-à-vis de Huawei. Si la France n’a au départ pas fermé la porte à Huawei pour certaines zones non sensibles économiquement et politiquement, elle prend de plus en plus le chemin de son interdiction. Ainsi, le président de la République a-t-il annoncé que les opérateurs auront l’obligation de retirer le matériel de Huawei d’ici trois à huit ans.
L’Allemagne est quant à elle plutôt réticente à cette option pour le moment, car Deutsche Telekom est par exemple très dépendant de la compagnie pour ses réseaux 3G et 4G. Deutsche Telekom indique que l’interdiction des équipements Huawei causerait un certain retard sur le déploiement de la 5G en Allemagne. Or, éviter de prendre trop de retard est un enjeu de compétitivité pour l’Union car de nouveaux secteurs de l’économie numérique, et par exemple le big data, et donc l’intelligence artificielle, mais plus généralement les secteurs utilisant des données, attendent cette nouvelle génération de réseau mobile pour se développer.
Où en sommes-nous par rapport au déploiement des antennes 5G ?
En ce qui concerne le déploiement de la technologie 5G, les États de sont pas toujours sur la même longueur d’onde. Ainsi, en mars 2020, d’après l’Observatoire européen de la 5G, 10 États membres (la Commission compte encore le Royaume-Uni qui est encore membre jusqu’à la fin de l’année 2020) avaient des services commerciaux déployés en mars 2020, à savoir l’Espagne, l’Irlande, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche, la Roumanie, la Hongrie, la Finlande et la Lettonie.
Cependant certains pays ont avancé depuis. Ainsi, la France devrait lancer les enchères pour l’attribution de fréquences de la 5G en septembre, après un refus du Conseil d’état de repousser ces enchères à l’année prochaine. Un souhait de l’opérateur Bouygues Telecom justifié d’après la firme par la pandémie du COVID-19. Des antennes et expérimentations sont effectuées depuis certaines villes européennes. L’Union européenne a également permis la création de « couloirs transfrontaliers 5G », qui ont pour intérêt un environnement privilégié pour les expérimentations et le déploiement de la technologie. Ce sont des accords bilatéraux entre Etats membres qui ont permis la création de ces couloirs. La Commission suit le dossier 5G de près, et a annoncé le 27 juillet dernier, sans les nommer, que 13 États avaient fait des progrès insuffisants concernant les chaînes d’approvisionnement 5G.
Si les États membres ont bien tous avancé sur le dossier, ceux-ci n’avancent pas au même rythme en fonction des objectifs fixés par la stratégie de 2016 par la Commission européenne. Les premières offres commerciales sont censées être effectivement lancées avant fin 2020 dans tous les pays de l’Union. Cependant, la question de l’utilisation ou non des technologies Huawei, mais aussi la pandémie de la COVID-19 n’ont pas aidé à accélérer le déploiement de la technologie. Or, il s’agit d’un enjeux industriel majeur puisque de nombreuses entreprises attendent ces nouveaux réseaux pour innover, et que les services publics pourraient en tirer profit. Nous n’avons en tout cas pas fini de parler de la 5G, car elle fait débat y compris au sein de l’Union, on le voit par exemple en France, avec un débat parfois légitime et parfois loin de toute rationalité.
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