Dubravka Šuica : “Les réalisations concrètes seront l’étalon de notre succès”

La commissaire donne son opinion sur la Conférence sur l’avenir de l’Europe

, par Juuso Järviniemi, traduit par Bénédicte Illien

Toutes les versions de cet article : [English] [français]

Dubravka Šuica : “Les réalisations concrètes seront l'étalon de notre succès”
La commissaire Dubravka Šuica au Parlement européen. Source : Highspeededit via Wikimedia Commons.

Déjà avant son élection au poste de présidente de la Commission européenne en 2019, Ursula von der Leyen avait annoncé qu’elle souhaitait organiser une Conférence sur l’avenir de l’Europe au cours de laquelle les citoyens pourraient exprimer leur opinion sur ce que devraient être les priorités de l’Union européenne.

C’est une conférence qui aurait dû débuter l’année dernière mais la pandémie de la covid-19 et les désaccords entre les institutions quant à l’organisation et la présidence de la conférence ont entraîné le report de son lancement. Au cours des dernières semaines, la Journée de l’Europe de cette année, le 9 mai, a été proposée comme date de lancement de l’initiative. Cependant, un accord conjoint des institutions était nécessaire avant que la désormais fameuse Conférence sur l’avenir de l’Europe puisse commencer.

La section des JEF du Collège d’Europe s’est entretenu avec Dubravka Šuica, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la Conférence, pour connaître les intentions de la Commission pour tirer le meilleur parti de l’initiative. L’entretien fait suite à un événement en ligne que la branche JEF College of Europe a organisé en janvier, avec des conférenciers invités tels que Federica Mogherini et le professeur à Oxford, Kalypso Nicolaïdis.

L’idée d’une Conférence sur l’avenir de l’Europe a été présentée pour la première fois en 2019, avant que quiconque n’ait entendu parler de la covid-19. Comment notre expérience de la pandémie influence-t-elle la Conférence et son objectif ?

La pandémie n’a fait qu’accroître le besoin d’inclure les citoyens dans les discussions sur l’avenir de l’Europe. L’objectif de la Conférence sur l’avenir de l’Europe est de rapprocher les citoyens et les législateurs. Cette conférence contribuera à construire et renforcer un espace public européen dynamique de discussion et de débats, renforçant ainsi à terme la démocratie représentative. Engager les citoyens européens dans un débat ouvert et inclusif sur l’avenir de l’Europe nous aidera à sortir plus forts de la crise.

La crise de la covid-19 a bien sûr eu une influence sur l’organisation de la conférence. Nous travaillons pour faire en sorte qu’elle soit accessible et inclusive, tout en assurant au maximum la santé et la sécurité de tous les participants. La conférence doit être organisée tout en prenant en compte la situation sanitaire et ses effets. Il nous apparaît clairement que les premiers débats seront axés sur la relance et nous devons rencontrer et écouter nos citoyens, et ce avec une certaine humilité.

La Commission a adopté la communication intitulée « Donner forme à la conférence sur l’avenir de l’Europe » il y a plus d’un an, le 22 janvier 2020. Malgré les conditions radicalement différentes dans lesquelles la conférence se tiendra, les principes essentiels de la position de la Commission sur la conférence demeurent intacts. La conférence devrait donner aux citoyens européens la possibilité de s’exprimer sur ce que fait l’UE et sur la manière dont elle fonctionne. Elle devrait permettre un débat ouvert, inclusif, transparent et structuré, et permettre aux citoyens européens de s’impliquer plus facilement dans la démocratie, au-delà des élections européennes. Si les conditions le permettent, ce débat sera organisé autour d’événements organisés en présentiel, en ligne et de manière hybrides, notamment via une nouvelle plateforme numérique multilingue, développée par la Commission. Cette solution permettra aux citoyens de soumettre leurs idées et de participer à des événements (virtuels). Cette plateforme numérique est d’autant plus essentielle en cette période sanitaire difficile.

L’UE a déjà lancé beaucoup d’initiatives visant à promouvoir l’engagement citoyen et un débat ouvert sur le future de l’Europe, telles que “New Narrative for Europe” et les Dialogues avec les Citoyens. En quoi la Conférence se démarque-t-elle ?

La Conférence s’appuie sur des initiatives réussies telles que les dialogues avec les citoyens, mais va au-delà et cette réaction est le signe d’une nouvelle réflexion. Ce sera un exercice paneuropéen de démocratie délibérative et un forum pour les citoyens de toutes les sphères de la société, et de tous les coins de l’UE. Les citoyens pourront faire des propositions, y compris par le biais de panels des citoyens choisis au hasard, pour façonner les futures politiques de l’UE.

Ce phénomène vise à permettre aux citoyens de jouer un rôle plus actif dans le processus de décision sur l’avenir de l’UE Ce sera également l’occasion de réfléchir avec les citoyens, de les écouter, d’entrer en contact et d’intéresser, de répondre et d’expliquer et enfin de renforcer la confiance les uns envers les autres.

Un élément clé de cette nouveauté est l’engagement à prendre les mesures les plus efficaces, aux côtés des autres institutions de l’UE, pour garantir que le débat des citoyens se traduise dans l’élaboration des politiques de l’UE. La Présidente Ursula von der Leyen a été la première à s’y engager fermement dans ses orientations politiques.

Les institutions ont voulu convenir d’une « Déclaration Commune » sur la conférence avant que l’initiative ne puisse être lancée. Quels sont les principaux points de discorde laissés dans les négociations ?

Pour qu’il s’agisse d’une entreprise véritablement commune, il est essentiel que le Parlement européen, le Conseil et la Commission l’appuient pleinement. Les discussions sur la déclaration commune ont pris un certain temps, mais j’espère que nous approchons maintenant de la ligne d’arrivée et j’espère également que nous pourrons inaugurer la conférence très prochainement. Dans tous mes échanges avec les citoyens, la société civile, les organisations et les élus à tous les niveaux, je constate une réelle volonté des citoyens de contribuer à l’avenir de l’Europe et nous devons répondre à cet appel sans plus attendre.

Dans quelle mesure la position commune des institutions déterminera-t-elle la manière dont la conférence se déroulera dans la pratique ? La conférence aura-t-elle la possibilité d’apprendre et de s’adapter au fur et à mesure ?

La Déclaration Commune définira le concept, la structure, la portée et le calendrier de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, ainsi que ses principes et objectifs convenus d’un commun accord. Cette déclaration sera ensuite ouverte à d’autres signataires, notamment des institutions, des organisations et des parties prenantes. Depuis le début, j’ai insisté sur le fait que la conférence devrait être un processus ouvert sans lignes rouges à ne pas dépasser.

La raison d’être de la conférence est d’améliorer réellement l’apprentissage collectif et l’adaptation de nos politiques dans l’UE, afin que notre démocratie soit prête pour l’avenir. De plus, la conférence devrait permettre aux citoyens de s’attaquer à la question qui leur tient à cœur et nous avons vu que les priorités peuvent changer. Qui aurait imaginé il y a douze mois que la santé et le système de santé, notre solidarité et notre résilience collective deviendraient les questions les plus débattues ?

La conférence porte sur l’avenir de l’Europe, et pas seulement sur l’Union Européenne, et il est possible qu’elle aborde les priorités à long terme. Les citoyens des pays candidats à l’UE ou même des pays du voisinage élargi auront-ils la possibilité de participer à la conférence ?

La Commission est ouverte à la participation de citoyens et d’organisations des Balkans occidentaux, nos voisins européens proches, à la Conférence sur l’avenir de l’Europe, car en tant que pays aspirant à l’adhésion, l’avenir de l’Europe est aussi le leur. La pandémie a démontré à quel point les États membres de l’UE et d’autres pays d’Europe, y compris les Balkans occidentaux, dépendent les uns des autres. Déjà à l’occasion du sommet UE-Balkans occidentaux, le 6 mai dernier, la présidente Von der Leyen a déclaré que « les partenaires des Balkans occidentaux devront trouver leur place dans notre prochaine réflexion sur l’avenir de l’Europe ».

Les institutions ne veulent pas décider d’avance les questions et les idées soulevées au cours de la conférence, et la communication de la Commission de janvier 2020 sur la conférence a défini six thèmes de discussion très larges. Cependant, certains craignent que l’absence de structure claire n’empêche de parvenir à des conclusions concrètes. Comment la Commission s’assure-t-elle que la conférence ne finira pas par « discuter de tout et de rien en même temps » ?

La conférence vise à créer un espace permettant aux citoyens de s’engager dans une discussion partant d’eux, sur ce que l’Europe fait pour eux et comment elle le fait. Les six priorités de la Commission pour 2019-2024 comprennent déjà un large éventail de politiques, mais il est essentiel que les citoyens aient la possibilité de discuter également d’autres sujets qu’ils jugent importants.

Un mécanisme de retour d’information garantira que les idées exprimées débouchent sur des recommandations concrètes pour des actions futures de l’UE. Les organisateurs des événements de la conférence feront un rapport sur les idées exprimées et propositions faites sur la plateforme numérique multilingue que nous préparons. Les discussions seront ensuite analysées et portées au niveau européen et des panels de citoyens européens spécialisés formuleront des recommandations d’actions. Tous les détails de ce mécanisme doivent être convenus conjointement par les trois institutions.

En parlant de suivi de la conférence, la Commission a indiqué qu’elle « était prête à prendre en compte les observations et propositions des citoyens dans le cadre de son agenda législatif ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Les citoyens veulent avoir plus d’influence sur la conduite de la politique au-delà des élections et la conférence doit répondre à cet appel. Cet exercice de démocratie délibérative, d’autonomisation des citoyens, est d’une grande importance pour nos citoyens. Dès le départ, les présidents et présidentes du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne s’engageront ensemble à écouter les Européens et à donner suite aux recommandations formulées lors de la conférence. Cela se fera dans le respect des compétences respectives des institutions et des principes de subsidiarité et de proportionnalités, tels qu’inscrits dans les traités européens. À l’issue des délibérations, les trois institutions examineront rapidement comment assurer un suivi efficace du résultat final de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, chacune dans son domaine de compétence.

Plus particulièrement, si la Conférence présente des propositions ambitieuses qui requièrent des réformes majeures de l’UE, comment la Commission prendra-t-elle en compte ces propositions ?

D’après un récent sondage, 44% des citoyens européens voudraient voir des réformes dans l’UE. C’est pour cette raison qu’il est très important d’organiser la conférence et de donner aux citoyens la possibilité d’exprimer leurs préoccupations et propositions pour façonner l’Union.

C’est une entreprise commune et nous sommes prêts à donner suite aux discussions émanant des citoyens, lorsque cela sera possible. Nous voulons avant tout que les citoyens voient les résultats concrets et tangibles de leurs délibérations. Les réalisations concrètes seront l’étalon de notre succès. La présidente Von der Leyen a été la première à s’engager en ce sens dans ses orientations politiques et je compte les mener à bien.

Il y a eu des propositions allant dans le sens d’une présidence partagée de la conférence entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président du Parlement européen, David Sassoli et le président du Conseil européen, Charles Michel. Au-delà du symbole, quelle influence aura la présidence sur la conduite de la conférence ?

Une présidence partagée de la conférence signifie clairement qu’elle est le fruit d’un travail commun initié par le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Ce n’est que le début. La conférence ne sera un succès que si les citoyens, les entreprises, les universitaires, la société civile, les représentants élus et les institutions à tous les niveaux y contribuent sur un pied d’égalité.

Quel conseil donneriez-vous à une jeune citoyenne ou un jeune citoyen qui s’intéresse à la conférence et voudrait faire part de ses idées sur l’avenir de l’Europe ?

Tout d’abord, je vais faire en sorte que la Conférence sur l’avenir de l’Europe soit attrayante pour les jeunes Européens. Vous êtes le présent et le futur de l’Europe ! J’encourage vivement tout le monde à s’engager et à contribuer activement sur la plateforme multilingue en ligne qui sera rendue accessible au lancement de la conférence. Partagez vos idées et organisez des évènements. Nous voulons entendre le plus de voix possibles. Nous voulons nous engager dans un débat ouvert et inclusif avec la jeunesse. C’est votre conférence, prenez-en les rênes.

Les questions de l’interview ont été préparées conjointement pat les membres des JEF du Collège de l’Europe, basés à Bruges en Belgique et à Natolin, près de Varsovie, en Pologne.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom