Les citoyens européens pour la défense des abeilles
La culture des abeilles et le métier d’apiculteur sont une tradition ancienne qui remonte de l’Egypte antique et de nombreuses abeilles sont élevées en Europe depuis plusieurs millénaires. Ces dernières jouent un rôle primordial pour la pollinisation et préservent la biodiversité essentielle d’une grande variété de plantes cultivées et sauvages. Elles participent au bien-être de la population grâce à son miel, utilisé à l’époque en médecine mais également pour sa gelée royale et sa cire.
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), sur les 100 espèces cultivées qui fournissent 90% des aliments mondiaux, 71 sont pollinisées par les abeilles. La majeure partie des espèces cultivées au sein de l’Union dépendent de la pollinisation accomplie par les insectes. Depuis de nombreuses années, les apiculteurs constatent la disparition inquiétante et l’affaiblissement des populations d’abeilles et de pertes de colonies d’abeilles, en particulier dans les pays d’Europe occidentale comme la France, la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie et l’Espagne.
Depuis que cette ICE a été lancée en 2019 avec le soutien de neuf ONG, l’initiative a recueilli le 30 septembre, à sa clôture 1.154.024 signatures. Ces signatures ont été essentiellement récoltées en Allemagne (570.973), en France (103.183) et aux Pays-Bas (102.228). Les auteurs de l’initiative vont pouvoir aller à la rencontre de la Commission européenne dans un délai d’un mois et pourront la présenter au Parlement européen dans un délai de trois mois. La Commission européenne aura six mois pour présenter l’action qu’elle compte mener en réponse à cette initiative.
Dans une démarche « sans pesticide »
Derrière cette volonté de préserver la biodiversité, se cache un message fort : celui de demander à la Commission de proposer des actes juridiques visant à supprimer progressivement les pesticides de synthèse d’ici à 2035. Il demande de surcroît de diminuer l’utilisation de pesticides de synthèse dans l’agriculture de l’UE d’ici à 2030, en commençant par supprimer les produits les plus dangereux, de manière à ne plus recourir à des pesticides de synthèse à l’horizon 2035. L’initiative demande également à restaurer les écosystèmes naturels dans les zones agricoles pour que l’agriculture devienne un moyen de rétablir la biodiversité, ou encore de donner un nouveau souffle à l’agriculture biologique en Europe.
Est clairement montré du doigt, l’ennemi public numéro sur le terrain des pesticides : le glyphosate. Son interdiction avait été discutée devant le Parlement européen mais la Commission avait ré-autorisé pour cinq ans la molécule malgré son classement comme « cancérigène probable » par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2015. Pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron, « on n’y arrivera pas » à 100% en 3 ans. Par ses mots le message était très clair : l’interdiction du glyphosate selon Emmanuel Macron « tuerait notre agriculture ». Cet acte de parole s’est accompagné en mai 2018 d’un rejet par les députés Français d’un amendement visant à inscrire dans la loi l’interdiction du glyphosate avec des dérogations jusqu’en 2023. Si cette ICE est validée, l’Union devra donc répondre aux demandes des citoyens pour une agriculture sans pesticides de synthèse et respectueuse des abeilles, d’autant que cet objectif fait partie intégrante du pacte vert pour l’Europe.
La prise en compte de la biodiversité de plus en plus importante par les Etats membres et l’Europe
L’impulsion donnée par les Etats membres pour la préservation des abeilles remonte aux années 2000 par une affaire de la Cour de Justice, celle des "abeilles danoises". Le droit communautaire ne s’opposait pas à la législation danoise qui vise à protéger l’abeille brune de Læsø, menacée de disparition en cas de croisement avec d’autres races d’abeilles.
Afin de protéger une population indigène d’abeilles dans des zones spécifiques, un arrêté danois prévoyait que seules les abeilles butineuses de la sous-espèce Apis (abeille brune de Læsø) pouvaient être détenues sur l’île de Læsø et sur certaines îles environnantes. Cette réglementation interdisait également l’importation, à Læsø, d’abeilles domestiques vivantes et de substances sexuelles d’abeilles domestiques. Le Kriminalret i Fredsrikshavn (tribunal correctionnel) avait jugé une femme pour avoir détenu à Læsø d’autres abeilles que les abeilles brunes de Læsø. Considérant que la réglementation danoise entrave la libre circulation des marchandises, le Kriminalrat a donc décidé d’interroger la Cour sur la conformité de celle-ci avec le droit communautaire.
La Cour a tout d’abord relevé qu’en l’absence d’harmonisation des dispositions des États membres relatifs à la commercialisation des abeilles, les législations nationales restent applicables, dans le respect des dispositions des traités. La Cour admet que, par le biais de l’interdiction d’importer des abeilles sur l’île concernée, la législation en cause est en effet susceptible d’entraver le commerce entre États membres et constitue dès lors une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative. Elle reconnaît cependant que les mesures de préservation d’une population animale indigène qui présente des caractéristiques distinctes contribuent à maintenir la biodiversité en garantissant la subsistance de la population concernée.
L’environnement est concilié par le juge de l’Union dès les origines pour concilier les différents objectifs et a servi de pionnier pour la prise en compte d’autres éléments d’intérêts généraux (santé publique, protection des consommateurs).
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