La COP 27 de Charm el-Cheikh : « pertes et dommages » au programme

, par Alexis Cudey

La COP 27 de Charm el-Cheikh : « pertes et dommages » au programme
Pixabay - Kevin Snyman

Le 6 novembre 2022, s’est ouvert la 27ème Conférence des Parties, COP27, à Charm el-Cheikh, en Egypte. Après le Maroc en 2001 et 2016 et l’Afrique du Sud en 2011, l’Egypte est le troisième pays africain à organiser une COP. L’un des enjeux principaux des négociations climatiques de cette COP porte sur la question des financements des « pertes et des dommages » subis par les pays du Sud.

Une Europe motrice dans les négociations climatiques internationales

Au cours des différentes COP, qui réunit les États signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC, 197 signataires en 2018) pour fixer les objectifs climatiques mondiaux, l’UE a cherché à s’ériger en acteur moteur des négociations climatiques internationales. Généralement, l’UE, représentée par la Commission et la présidence tournante du Conseil, participe aux conférences mondiales sur le climat lors desquelles elle s’efforce d’inciter d’autres pays à en faire davantage pour faire face à la crise climatique. Dans les négociations internationales, l’UE fait montre de son ambition de financer la transition écologique à l’échelle mondiale, financement qui s’est élevé 23 milliards d’euros en 2021.

Toutefois, alors que l’UE s’est présentée avec l’intention ferme de convaincre un nombre croissant d’États de renoncer aux énergies fossiles, certains États-membres ont maintenu ou rouvert des centrales à charbon, en vue de répondre à leurs besoins énergétiques. Ainsi, cette contradiction peut d’une certaine manière discréditer l’Union européenne, jugée responsable d’une partie des effets du dérèglement climatique et accusée désormais de faire la leçon à d’autres pays émetteurs.

A la COP27, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a toutefois voulu faire preuve d’optimisme en assurant que l’Union européenne était en mesure de baisser ses émissions de gaz à effet de serre « d’au moins 57 % » d’ici à 2030, en dépit du contexte particulier traversé par l’économie mondiale.

Une COP27 dans un contexte de guerre et de crise économique

Cette conférence se tient alors que l’été qui s’est achevé a montré les conséquences désastreuses que le dérèglement climatique pouvait avoir dans certains pays du Sud. Le Pakistan particulièrement qui a connu de violentes inondations qui ont provoqué la mort de 1700 personnes. Mercredi 28 septembre, à l’occasion d’une conférence de presse en ligne, l’ambassadeur Wael Aboulmagd, représentant spécial de la présidence égyptienne de la COP, a en conséquence appelé à faire de la COP27 « celle de la mise en œuvre, pour passer des promesses aux actes ».

Cependant, en dépit de l’action rigoureuse que l’urgence de la situation impose, cette COP27 intervient alors que l’environnement international traverse une période de forte instabilité. 110 Etats, 40 000 participants et 196 pays ont en effet participé pendant deux semaines à ce qui se présentait comme le « sommet sur le climat le plus étrange et le plus complexe de la dernière décennie. L’événement se tient qui plus est « sur fond de guerre en Ukraine, de crise énergétique et d’inflation galopante » menaçant « d’élargir le fossé économique et politique à travers le monde », analyse le même quotidien espagnol.

D’autant que la tenue de cette COP27 est également marquée par de fortes tensions Nord-Sud portant sur les « pertes et dommages » du dérèglement climatique subis par les pays du Sud. En effet, les négociations climatiques s’avèrent très délicates entre les pays riches occidentaux et européens, considérés comme historiquement responsables du changement climatique et les pays du Sud qui, situés à un stade de développement économique fortement émetteur en carbone, subissent de plein fouet les effets du dérèglement climatique. À cet égard, résume le climat des négociations comme suit : « la crise du réchauffement climatique est ressentie le plus durement par les pays qui en sont le moins responsables ».

Les pays du Sud ont ainsi régulièrement appelé à la création d’une aide financière internationale pour faire face à ces catastrophes sans toutefois réussir à se faire entendre. Constamment, les pays riches ont cherché à bloquer cette demande d’aide financière, par crainte qu’elle ne conduise à des poursuites judiciaires ou qu’elle ne mène à de plus larges demandes de compensations. Pourtant, la COP26 de Glasgow de 2021 avait décidé de créer un « dialogue » de deux ans sur la question. Eu égard à l’été terrible que certains pays du Sud viennent de connaître, il paraît désormais impossible, voire indécent, pour les pays riches de continuer à éluder le débat sur les compensations. Les pays en développement ont ainsi obtenu l’inscription des « pertes et dommages », conformément à l’article 8 de l’Accord de Paris de 2015, à l’agenda des négociations climatiques.

Pourtant, à l’occasion de la COP15 de Copenhague de 2009, les pays développés s’étaient déjà engagés à porter à 100 milliards de dollars par an à compter de 2020 leur aide aux pays du Sud afin de réduire leurs émissions et pour se préparer aux effets du dérèglement climatique. Cette promesse, pleine de bonne intention et répondant à une demande des pays affectés par ces « pertes et dommages », n’a pas été tenue, ce qui a largement nourri la défiance des pays en question, illustrée par les remontrances du premier ministre indien, Narendra Modi, lors de la COP26.

Enfin, la COP 27 se tient également sur fond d’un duel entre les États-Unis et la Chine, qui à la suite de la visite de Nancy Pelosi à Taiwan en août dernier, a interrompu sa coopération avec les États-Unis sur les questions climatiques, ce qui a hypothéqué une coopération cruciale entre les deux plus importants pollueurs mondiaux. En outre, les dirigeants des principales puissances émettrices, comme la Chine, l’Inde et la Russie n’ont pas fait l’effort de se rendre en Egypte. A contrario, le président brésilien Lula, dont la récente élection a suscité l’espoir, a promis, en rupture avec l’action de son prédécesseur Jair Bolsonaro de « jouer à nouveau son rôle dans le combat contre les changements climatiques, surtout en Amazonie ».

Financer les « pertes et dommages » en échange d’un abandon progressif des énergies fossiles

Alors que la COP devait se terminer vendredi et que les négociations entre États patinaient, les craintes d’un manque d’ambition des décisions adoptées commençaient à ternir le bilan de la COP27. Dans la nuit de jeudi à vendredi 18 novembre, aux alentours de 22h30, Frans Timmermans, Vice-Président de la Commission européenne, a alors fait la proposition surprise de créer un fonds spécial pour les pays principalement affectés par les dommages engendrés par le réchauffement climatique.

Initialement opposée à cette proposition, l’UE a débloqué les négociations en proposant « d’établir un fonds de réponse aux pertes et dommages » à la COP 27 en échange d’un engagement à abandonner progressivement les énergies fossiles.

Cette proposition a eu l’effet d’un coup de théâtre et a été accueillie positivement par les pays les plus exposés. Le représentant du Pakistan, Nabil Munir, qui assure actuellement la présidence du groupe de négociation G77 + Chine (regroupant plus de 130 pays en développement), a qualifié l’offre européenne de « nouvelle positive », bien que « beaucoup de divergences demeurent ».

L’Union européenne, et notamment la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark ont manifesté leur volonté de participer à cette aide. Le Président français, Emmanuel Macron, a en ce sens annoncé la tenue en juin 2023 à Paris d’une « conférence internationale sur un nouveau pacte financier avec le Sud », avec l’objectif de « créer les conditions d’un véritable choc de financement vers le Sud ». Dans le prolongement et en parallèle de la COP27 s’est tenu la réunion du G20 à Bali en Indonésie. Mercredi 16 novembre, les vingt plus grandes économies mondiales n’ont pas éludé le climat de leur déclaration finale en convenant de poursuivre leurs efforts pour limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C, alors que la COP27 se tenait toujours et que nombre de chefs d’États avaient directement rejoint l’Indonésie après l’Egypte. Plusieurs pays, dont la France, ont en ce sens promis de soutenir la transition énergétique de l’Indonésie, troisième plus important producteur mondial de charbon, qui doit aider Jakarta à avoir un secteur de l’électricité « neutre en carbone » pour 2050.

En dépit de ses lacunes, le communiqué des membres du G20, représentant 80 % des émissions mondiales, ainsi que la reprise du dialogue sur le climat entre la Chine et les Etats-Unis ont fait souffler un vent d’espoir à l’autre bout du Globe.

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