Le divorce impossible entre l’Union européenne et le glyphosate

, par Corentin Vinsonneau

Le divorce impossible entre l'Union européenne et le glyphosate
Pixabay Epandage de pesticides dans un champ

L’utilisation du glyphosate pose de nombreuses questions. Son recours s’impose pour séquestrer le carbone accumulé dans les prairies temporaires, permettant de semer directement derrière. En réduisant les coûts, on restaure la fertilité des sols grâce au semis direct. Les progrès de la science ont néanmoins montré que le glyphosate présente de nombreux agents chimiques nocifs pour l’environnement et pour la santé publique.

Son interdiction avait été discutée devant le Parlement européen mais la Commission avait ré-autorisé pour 5 ans la molécule malgré son classement comme « cancérigène probable » par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2015. Récemment, la question de sa réintroduction au sein du marché européen préoccupe de nombreuses personnalités publiques européennes et certaines institutions mondiales alertant sur la toxicité du produit.

Le glyphosate : produit phare de l’agriculture …

A l’époque où la question de l’impact sur la santé et sur l’environnement des produits désherbants ne se posait pas, les semences hybrides étaient perçues comme donnant plus de rendements afin de nourrir toute la planète. Le secteur agrochimique-phytosanitaire a commercialisé de nombreux produits. L’herbicide, l’insecticide, les semences hybrides ont été la grande solution aux problèmes des agriculteurs depuis les années 50 afin d’améliorer la production et de répondre aux besoins pour alimenter 7 milliards d’êtres humains.

Depuis les années 80, les agriculteurs ont notamment recours au glyphosate, le plus puissant herbicide. Il est largement utilisé pour du désherbage agricole mais aussi pour l’entretien des espaces urbains et industriels. Si d’un côté, de nouveaux types de désherbant font la joie des agriculteurs, et que certaines entreprises cherchent à innover dans ce secteur afin de rendre moins toxiques l’utilisation des herbicides et pesticides, il en est d’autres qui n’ont pas cette image de Héros de l’innovation. La consommation de pesticides dans le monde est en hausse constante depuis leur invention.

On a pourtant assisté au XXIème siècle à ce que nous pourrions appeler à un scandale sanito-environnemental de grande ampleur concernant ce secteur.

... Pourtant dangereux

L’utilisation du glyphosate depuis les années 70 a engendré de nombreux problèmes sur la santé publique, entraînant de graves préjudices. Certaines plaintes en Europe ont été relevées pour motif de mise en danger de la vie d’autrui. Dans les faits, des analyses d’urine ont été effectuées un peu partout en France et montraient des contaminations par l’herbicide : jusqu’à 30 fois la dose autorisée dans l’eau. De ce phénomène, un plan « campagne glyphosate » a vu le jour dans lequel était prévu une participation des contaminés par l’herbicide à aller porter plainte. Ces plaintes sont faites au devant les tribunaux internes des Etats membres, puisque l’Union européenne n’a pas de compétence en matière pénale. En effet, selon les mots de Dominique Masset, co-présidente de l’association à l’initiative de la campagne glyphosate, « la présence du glyphosate dans les urines est importante car il est un marqueur des autres polluants contenus dans les produits commerciaux dont certains sont beaucoup plus toxiques. Ces analyses révèlent un empoisonnement massif de la population » .

Les consommateurs et agriculteurs touchés ont porté plainte pour différents motifs comme pour mise en danger de la vie d’autrui, tromperie aggravée ou encore atteinte à l’environnement. De même, le tribunal de Lyon avait interdit l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360 (nom commercial de l’herbicide produit depuis 1975 par la compagnie américaine Monsanto contenant du glyphosate), estimant que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation avait « commis une erreur d’appréciation au regard du principe de précaution ». Le tribunal s’appuie sur des études du Centre de recherche international de recherches sur le cancer sur le glyphosate.

La question de la réintroduction du glyphosate au sein du marché européen

Malgré de nombreux rapports scientifiques et de recours juridictionnels, une nouvelle fenêtre s’ouvre, celle de la réautorisation du glyphosate en Europe ! Un pas en arrière pour l’Union européenne dans la reconquête de sa souveraineté alimentaire qui attise les critiques de certains au sein des institutions européennes.

On se souvient qu’en 2017, le glyphosate n’avait été homologué que pour cinq ans, déchaînant les passions au sein de l’hémicycle européen. Cette autorisation devait être prévue pour décembre 2022, et au vu des rapports établis par certains Etats européens à travers leurs agences (anses), le glyphosate ne serait pas cancérogène, mutagène ou reprotoxique et ne remplirait pas les critères requis pour être considéré comme dangereux. Dans le cadre de la ré-homologation du glyphosate, ce sont quatre pays membres qui ont émis les rapports, à savoir la Hongrie, la Suède, les Pays-Bas et la France. Les quatre agences donnent donc leur approbation pour utiliser le glyphosate dans l’Union européenne.

Ce n’est que récemment que le Comité d’évaluation des risques de l’Agence Européenne des Produits Chimiques a rendu son opinion scientifique indépendante sur le glyphosate.

L’Agence européenne a conclu que les classifications existantes du glyphosate en tant que substance causant de graves lésions oculaires et toxiques pour la vie aquatique avec des effets durables doivent être conservées. Le Comité a évalué les propriétés dangereuses du glyphosate par rapport aux critères du règlement sur la classification, l’étiquetage et l’emballage. Ils ont conclu que le glyphosate n’était pas cancérigène. Le nouvel avis est conforme à la proposition des quatre États membres qui évaluent actuellement le glyphosate : la Suède, la France, la Hongrie et les Pays-Bas ainsi qu’à l’avis de 2017.

La Commission européenne analysera les conclusions de l’Agence européenne et le rapport d’évaluation du renouvellement préparé par la Suède, la France, la Hongrie et les Pays-Bas. La Commission présentera ensuite un rapport de renouvellement et un projet de règlement aux États membres indiquant si l’approbation du glyphosate peut être renouvelée ou non.

La France de son côté s’était toutefois donnée pour objectif d’interdire l’utilisation de ce désherbant classé comme "cancérogène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2023. Des organisations agricoles s’y opposent, pointant l’absence de produit alternatif. Il sera donc de la responsabilité de l’Etat Français de proposer et d’investir dans la branche afin de proposer un produit alternatif.

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